Quelques instants pour l’éternité
Jean Nouvel a grandi à Fumel, dans le Lot-et-Garonne, à l’ouest de Bordeaux. De par le nombre de ses habitants et l’importance de son patrimoine historique, cette petite cité s’apparente de manière frappante à la ville de Morat. Ceci explique peut-être aussi pourquoi l’architecte français, en collaboration avec ses partenaires GIMM Gauer Itten Messerli Maria, a choisi ce site pour y développer un concept très inhabituel: abandon de la plate-forme sur l’eau telle que prévue initialement par Expo.02, abandon de l’espace délimité de l’Arteplage, abandon de l’exclusion de la vieille ville de Morat et, par conséquent, abandon d’une architecture lourde. Le concept fait preuve d’un très grand respect pour le site. Il ne s’attache pas à la conservation par trop parfaite des bâtiments historiques, mais au contraire, à l’esprit énigmatique des lieux, à la magie de l’eau, à l’interprétation de son paysage et de sa vieille ville, traitée comme un diamant. Les interventions concrètes se limitent aux pavillons, à de modestes tentes ou de laconiques maritimes, dont les dimensions, même idéalement adaptées à l’image du site, résistent pourtant à toute tentative d’interprétation romanesque ou bucolique. L’icône de l’Arteplage est un gigantesque cube rouillé posé sur le lac. Dans le cas de Morat, où le thème Instant et Eternité transforme les remparts de la ville en exposition, le genius loci est perceptible de manière exemplaire.
Le Monolithe exacerbe la magie du paysage, sublimée dans l’univers métaphysique de L’île aux Morts, toile d’Arnold Böcklin. Par les adjonctions et les interprétations de Jean Nouvel, le genius loci provoque un second et un troisième mode de lecture, oscillant entre l’état de siège et l’idéalisation, entre structures précaires et constructions historiques conservées à l’extrême. La métaphore et la mise en évidence du caractère propre au site transforment le paysage et la vieille ville de Morat en une scène, sur laquelle chacun des événements se subordonne à l’exigence d’œuvre d’art totale. La foule bigarrée des visiteurs, sorte d’éclaireur, se déplace à son gré entre les interventions et crée des liens entre les zones chaleureuses et les zones plus austères de la dramaturgie voyeuriste de Jean Nouvel.
Concept, architecture et design
AJN Ateliers Jean Nouvel, Paris, France www,jeannouvel.com
Jean Nouvel (responsable du projet)
Frédérique Monjanel (chef de projet)
Eric Maria (chef de projet)
Sébastien Abribat (architecte du projet)
Nicolaï Baehr (architecte du projet)
Anna Cavepayre (architecte du projet)
Thomas Corbasson (architecte du projet)
Jean-Louis Courtois (maquette)
Partenaire: GIMM Gauer Itten Messerli Maria (nouveau: Gauer Itten Messerli Architekten AG) (Daniel Messerli), Berne www.gim.ch
Photos: © AJN Ateliers Jean Nouvel